Un nouveau coup porté contre les radios libres au Mexique
Le 21 mai 2019, le Président de l’Institut Fédéral de Télécommunications (IFT), Gabriel Osvaldo Contreras Saldivar, a répandu de fausses rumeurs à l’origine d’un climat de fortes violences à l’encontre du collectif radiophonique « Ké Huelga Radio ».
En effet, lors de l’événement « Analyse du secteur de la radiodiffusion dans le cadre du lancement du Plan National de de Développement 2019-2024 » qui s’est tenu dans la chambre des députés, ce fonctionnaire a déclaré :
«Je pense que tout le monde connais une radio illégale. Vous voulez un exemple ? Vous avez déjà écouté Ke Huelga ici dans la ville de Mexico ? Et bien cette radio est illégale, et ce qui pose un problème c’est que cette radio met en péril les avions dans leur processus atterrissage sur les pistes de l’aéroport de la ville de Mexico».
Cette déclaration est fausse. Le même jour, autour de 17h, l’ensemble des appareils électroniques de transmission de la radio Ké Huelga ont été révisés sans révéler aucune anomalie. Le 22 mai, de nouveaux tests ont été réalisés et aucune interférence avec les signaux émis par la tour de contrôle de l’aéroport n’a été détectée.
Aussi, face aux fausse allégations de M. Contreras Salvidar, nous souhaitons ici apporter quelques précisions d’ordre technique :
Notre radio émet sur la bande 102.9 MHz (FM), alors que les avions tout comme la tour de contrôle de l’aéroport utilisent les fréquences d’ondes allant de 108 à 137 MHz. Les 10 premiers MHz sont utilisées pour les radios « d’aide à la navigation » (fréquences de 108 a 117.95 MHz). Quant à la fréquence utilisée par les avions, elle oscille entre 118 et 137 MHz.
Par conséquent, notre transmission n’interfère aucunement avec les émissions liées aux activités du trafic aérien.
Nous savons que les transmissions de radio peuvent produire des ondes harmoniques ou d’autres types de « fuites » interférant avec d’autres fréquences mais nous maintenons une vigilance constante pour éviter que cela ne se produise ou pour réparer les dysfonctionnement le plus rapidement possible.
Le 22 mai le service de vigilance de la tour de contrôle de l’Aéroport International de la Ville de Mexico a affirmé qu’aucune interférence radiophonique n’avait affecté les fréquences de l’aviation civile mexicaine ce jour là, ni les jours précédents.
En conséquence, nous dénonçons fermement les propos de M. Contreras: les émissions radiophoniques de la radio Ke Huelga n’interfèrent en aucune façon avec les fréquences radio utilisées par l’aviation civile.
Nous ne demandons donc pour quelle raison M. Contreras s’évertue à colporter de fausses affirmations, créant ainsi un climat de psychose parmi les usagers de l’aéroport et participant à la criminalisation de notre radio.
Selon nous, ces fausses accusations sont une forme de répression qui font partie de la stratégie de l’Etat mexicain pour mener sa guerre contre la liberté d’expression.
Depuis avril 1999, date de fondation de La Ké Huelga Radio, nous dénonçons le monopole de la communication au Mexique ainsi que les politiques de privatisation qui se sont multipliées, débouchant sur un modèle au sein duquel il n’existe plus d’espace pour la contestation.
Notre objectif en tant que média libre est d’éviter la marchandisation de la communication, défendre la liberté d’expression et porter la voix de la société en dénonçant les grands problèmes sociaux.
Durant les 20 dernières années, la Ké Huelga Radio, comme la plupart des médias libres au Mexique, a été l’objet de nombreuses calomnies et d’attaques de la part des monopoles médiatiques et du gouvernement. Les stratégies du gouvernement pour affaiblir les voix dissidentes et critiques portées par les médias libres sont le harcèlement, la persécution, la détention arbitraire, les assassinats, la disparition forcée, la criminalisation, l’intimidation et le blocage des réseaux de fréquence modulée.
L’organisation anglaise « Article 19 » dénonce l’assassinat de 126 journalistes au Mexique depuis les années 2000, et la disparition forcée de 24 journalistes depuis 2003. Selon l’organisation Reporters sans Frontières, le Mexique occupe la 144e place du classement mondial de la liberté de la presse 2019 sur 188 pays, ce qui fait du Mexique l’un des pays le plus dangereux pour pratiquer le journalisme.
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Andres Manuel López Obrador le 1er décembre 2018, on déplore déjà l’assassinat de 6 journalistes, parmi les lesquels nous voulons rappeler celui de Samir Flores Soberanes, fondateur de Radio Amiltzinko, le 20 février 2019, suite a une autre déclaration irresponsable, cette fois de la part du Président de la République, Andres Manuel Lopez Obrador.
Il existe depuis des années au Mexique une politique de criminalisation des médias libres et communautaires, menée notamment par l’Institut Fédéral de Télécommunications qui n’essaye non pas de « combattre l’illégalité » mais plutôt de rayer les radios libres de la carte des fréquences radio afin de réattribuer leurs fréquence à ses amis des monopoles médiatiques.
Depuis octobre 2015 nous constatons que notre fréquence radio subit une interférence intermittente constituée de « bruit blanc », interférence qui a presque totalement effacé notre émission entre octobre 2018 et avril 2019. Nous avons dénoncé publiquement cette situation à plusieurs reprise en insistant systématiquement sur la responsabilité de l’ITF, qui va lui même créer des interférence avec notre fréquence, ou ne rien faire pour éliminer les interférences que nous signalons.
La Ke Huelga Radio souscrit à l’article 19 de la Déclaration Universel des Droits de l’Homme de la ONU, laquelle établie que «Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
Nous diffusons les voix critiques du mouvement social au Mexique et dans le monde. Notre radio réitère son engagement pour amplifier les voix de la lutte et de la résistance. Nous soutenons, avec nos modestes capacités, toutes les radios sœurs du Mexique. Nous ne commercialisons aucun produit d’aucune marque, et ne diffusons rien qui ne soit lié avec les partis politiques. Notre projet de communication est communautaire, autogestionnaire et autonome.
Nous tenons pour responsables le gouvernement du Mexique et le président de l’Institut Fédéral de télécommunications Gabriel Osvaldo Contreras Saldivar de ce qu’il pourrait arriver aux membres du collectif La Ke Huelga Radio. Nous exigeons du respect envers notre radio libre et nous appelons tous et toutes nos camarades a être attentifs et agir ensemble pour défendre cet espace de libre expression.
Respect aux projets de radios communautaires et libres !
Non a la répression !
Non aux interférences radiophoniques !
Non aux mensonges de l’Institut Fédéral de télécommunications !
Non a la privatisation du spectre radiophonique !
Ke Huelga Radio
Libre, Sociale et Contre le Pouvoir